L’album Upsilon Plus, disponible en streaming et en téléchargement partout, raconte l’histoire de Sandra T. qui se transforme progressivement en un être différent, appelé « Upsilon Plus » et va vivre un parcours initiatique, sous la forme d’un récit allégorique quelque peu ésotérique, aux significations imbriquée, et qui se termine dans le doute, mais aussi par l’éveil. La musique elle-même présente cette caractéristique qui la rend peu adaptée au grand public, de même que sa dimension expérimentale.

L’histoire de Sandra T.

Il ne raconte pas cette histoire, qui est une allégorie, mais en exprime divers éléments.

Sandra T. semble normale extérieurement à tous points de vue, mais tout se passe à l’intérieur. Elle affirme qu’elle subit un processus de transformation pour devenir une autre, produit d’une artificialisation progressive intérieure. Pour devenir quoi ? Sandra T. évolue vers un être appelé Uspilon Plus. Personne ne sait en quoi consiste exactement un Upsilon Plus, pas même Sandra T.

Cela commença par le cerveau et on a cru qu’elle devenait folle, puis la transformation s’est étendue vers le bas à l’intérieur de son corps. Chaque organe touché se change en système artificiel, même s’il ressemble toujours apparemment à un véritable organe. Son esprit s’agitait en permanence et subissait l’assaut de noires pensées et d’émotions tristes ou agressives.

Comment est-ce possible ? Il s’agirait de nanorobots si petits qu’il s’avèrent indétectables. Sandra T. fut infectée alors qu’elle séjournait durant plusieurs jour dans un hôpital à la suite d’un malaise. Une fausse infirmière venait lui faire des injections la nuit dans le plus grand secret. Une nuit, elle se réveilla brusquement, comme alertée, et elle la vit penchée sur elle armée d’une seringue hypodermique. Son réveil brutal la mit en fuite. On ne crut pas Sandra T. lorsqu’elle s’en plaignit auprès des autorités médicales de l’hôpital.

Sandra T. ne chercha plus à savoir qui se trouvait derrière ce qui lui arrivai, car personne ne la croyait et personne ne la soutenait. Elle ne trouva aucune aide, ni parmi sa famille, ni parmi ses amis. Ceux-ci s’éloignèrent d’elle petit à petit. Quant à ses parents et ses sœurs, il lui signifièrent par leur attitude que ce quelle disait ne comptait plus guère. Aussi, Sandra T. évita ensuite de les rencontrer autant que possible.

Tout avait commencé un jour du mois de Mai alors que Sandra T. se trouvait dans la nature et marchait sur la crête d’une montagne de la région où elle habitait. Soudainement, Sandra T. vit ce qui l’entourait et le paysage qu’elle contemplait d’une manière différente : tout était comme saturé de couleurs et rehaussé par un fort contraste. Tout semblait neuf, comme nouvellement créé. Sandra T. se sentait comme faisant pleinement partie du monde autour d’elle, d’une manière fusionnelle. La sensation était extraordinaire et s’amplifia jusqu’à un paroxysme qui lui fit perdre la notion du temps. Puis, elle perdit conscience. D’autres promeneurs la virent s’effondrer et, incapables de la ranimer, appelèrent les secours, qui la conduisirent à l’hôpital le plus proche, où elle se réveilla. On lui fit divers examens, sans trouver la cause de son mal, que l’on qualifia alors de psychiatrique. Les médecins lui fient prendre ainsi des neuroleptiques. C’est lors de ce séjour qu’elle fut infectée.

Un jour, Sandra T. rencontra un vieil homme qui semblait l’examiner de pied en cape et avec lequel une discussion s’engagea. Il dit à Sandra T., après avoir appris le drame qu’elle vivait, qu’il connaissait bien la transformation en Upsilon Plus. Le vieillard affirma aussi qui savait comment repousser l’artificialisation et même la faire régresser jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Sandra T. accepta son aide et il suscita en elle un peu d’espoir, même si elle ne le croyait qu’à moitié. Il lui demanda de lui faire entièrement confiance et de s’en remettre à lui.

L’homme âgé lui présenta un chemin spirituel sur lequel elle devait s’engager de toute son âme et de tout son corps. Il lui enseigna différentes méthodes de méditation qu’elle devait mettre en œuvre quatre fois par jour, ainsi que des exercice physiques à réaliser chaque matin. De plus, elle devait respecter une forme d’hygiène de vie, notamment en devenant sélective pour sa nourriture. Mais, cela ne suffira pas, disait-il : il vous faut aussi vous conformer strictement à des règles éthiques qui guideront vos pas et transformeront votre vie. Sandra T. devrait cheminer le long de cette voie durant toute sa vie.

Sandra T. mit en œuvre tous les conseils de son maître spirituel et se sentit rapidement mieux, ce qui l’encouragea à continuer sur le chemin de vie tracé par celui-ci. Elle se sentait à nouveau bien dans son esprit et dans son corps. Les émotions et les pensées négatives qui l’avaient envahie régressèrent et après quelques semaine elle se sentait en permanence d’une humeur égale. Après une année, elle avait fait d’immenses progrès.

Le vieil homme lui avoua alors que l’artificialisation n’avait pas régressé, bien au contraire, mais qu’elle n’était pas réellement une artificialisation. On l’avait envoyé à elle pour l’aider à se transformer en Upsilon Plus. Il lui expliqua aussi que son corps ne devenait pas une machine, bien que l’évolution qu’elle avait constatée soit réelle. Il évoluait en quelque chose d’impossible à nommer et à décrire, car bien au-delà des capacités intellectuelles humaine. Sandra T. ne lui en voulut pas car elle était ravie d’apprendre la bonne nouvelle au sujet de son corps, bien qu’elle s’inquiétât de l’état qui constituait le terme de son évolution. Elle poursuivit donc son chemin sur la voie.

Plusieurs année passèrent et Sandra T. était en passe d’atteindre le but. Son maître lui apprit alors qu’elle n’avait jamais subi aucune transformation physique, mais que seul son esprit avait changé puis évolué, bien que cela eût influencé aussi son corps. Quant au terme Uspilon Plus, il ne constituait qu’un mot comme un autre pour désigner ce but. En réalité, il n’y aurait jamais d’Upsilon Plus, de même qu’aucune Sandra T. n’avait jamais existé.

Sandra T. prit alors conscience que rien n’existait vraiment et elle devint une Uspilon Plus.

L’allégorie

L’histoire de Sandra T. est une allégorie à deux niveaux de compréhension.

Au premier degré, elle raconte la progression spirituelle au sens large d’une personne, sans que cela concerne une religion en particulier, raison pour laquelle le but du chemin se nomme « Upsilon Plus ». Ce parcours peut concerner aussi bien une religion, qu’elle soit théiste ou non, ou une confrérie, voire un matérialisme spirituel tel qu’une forme de développement personnel, ou bien encore un éveil politique. La transformation en machine de Sandra T. désigne la réification croissante des humains dans la société moderne et leur dépendance toujours plus grande vis-à-vis de la technique, celle-ci s’accompagnant d’une adaptation progressive de l’être à la machine. Il faut aussi y voir la marchandisation de plus en plus grande de la vie humaine par le capitalisme, et ce dans ses aspects les plus intimes ou les plus personnels.

Sur un deuxième plan l’allégorie concerne le monde moderne, l’histoire étant une critique, aussi bien anti-capitaliste qu’anti-technique, mais avec une dimension spiritualiste, sans mettre de côté ce qui relève de la lutte des classes. Dans une société de plus en plus marchande et technicienne, le monde va vers une artificialisation croissante dans tous ses aspects, en tournant le dos à la nature et en détruisant cette dernière, y compris au plus profond de l’être humain. La mainmise sur le domaine de la vie par l’économie finit d’asservir ce qui reste de liberté dans la société moderne avec une finalité d’exploitation toujours plus implacable.

Les deux allégories se rejoignent dans la critique de la culture moderne faite de confusion et de l’émergence d’une sorte de novlangue, dans laquelle la vérité et le mensonge se mêlent pour former une seule entité, mélangeant et exacerbant tour à tour les concepts dans une finalité de domination par la perte du sens et par l’opposition artificielle de populations manipulées au gré des changements politiques et des évolutions d’une propagande globalisante.

Le but même du chemin spirituel ou politique devient incertain, la finalité à éviter apparaissant comme la réalisation suprême, dans une substitution langagière qui fait du mal le remède. Dans cette propagande ciblée les maux sont niés et occultés sans être véritablement soignés. Ils n’ont ainsi jamais existé, mais leur étape ultime devient le but magnifié à atteindre pour se libérer de toutes les entraves. Le réel s’apparente alors à une production onirique dans laquelle le mensonge n’aurait pas de consistance et pourrait donc se métamorphoser en vérité.